L'exploitation des algues

Un suivi expérimental, une récolte raisonnée

La mer d’Iroise abrite un des plus grands champs d’algues d’Europe, avec plus de 300 espèces d’algues différentes. Les laminaires, grandes algues brunes réparties en strates, forment de véritables forêts sous-marines. Habitats remarquables, elles servent de nourriture, de support ou d’abri à un grand nombre d’espèces.  Les laminaires sont exploitées depuis longtemps par les goémoniers. Sur l’estran, les champs d’algues font vivre de nombreux récoltants d’algues de rive professionnels. A la fois habitat et ressource, ces champs sont au centre de plusieurs études portées par le Parc naturel marin et ses partenaires.

Les algues et leur exploitation

Si l’Iroise abrite le plus important champ d’algues des côtes de France, c’est aussi le principal lieu de récolte. Depuis l’utilisation des algues en combustible puis pour les amendements agricoles, jusqu’à leur première utilisation industrielle, il s’est écoulé plus de 170 ans d’histoire. Elles ont été successivement récoltées manuellement, puis séchées et brûlées, pour en extraire la soude à destination de l’industrie du verre ou l’iode.

Exploitées par des navires armés à la pêche, elles sont aujourd’hui recherchées pour les alginates qu’elles contiennent et qui ont des propriétés gélifiante et résistante à l’eau très recherchées. Des applications médicales ont été récemment découvertes et on envisage désormais leur utilisation pour la protection des cultures en remplacement de certains produits phytosanitaires.

Goémonier dans l'archipel de Molène

Goémonier équipé de scoubidous dans l'archipel de Molène

Benjamin Guichard / Office français de la biodiversité

Goémonier équipé de scoubidous dans l'archipel de Molène

Benjamin Guichard / Office français de la biodiversité

Algues et champ d'algues

Algues brunes dîtes laminaires rugueuses (Laminaria hyperborea)

Yannis Turpin / Office français de la biodiversité

Algues brunes dîtes laminaires rugueuses (Laminaria hyperborea)

Yannis Turpin / Office français de la biodiversité

Quelles espèces, étagement, quelle activité, quels débouchés

C’est uniquement au bas de la zone de balancement des marées qu’apparaissent, sur le substrat rocheux, les forêts de laminaires. Les deux espèces les plus connues, et aussi dominantes dans l’archipel de Molène, sont Laminaria digitata et Laminaria hyperborea qui la remplace au-dessous de 3 mètres de profondeur.

Cartographie prédictive de biomasse (2013)

Avec ses partenaires,  l’Ifremer et le SHOM, le Parc a pu acquérir un modèle prédictif de biomasse. Pour ce faire, un modèle numérique de terrain a été réalisé. Cette campagne a mobilisé des technologies innovantes : relevés laser par avion, complétés par des relevés « sonar » réalisés depuis un navire scientifique.

Plus de 160 plongées ont été réalisées par les agents du Parc et les partenaires pour évaluer la biomasse présente de L. digitata et L. hyperborea. Toutes ces données ont permis de réaliser une cartographie prédictive de biomasse.

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Agents de terrain
Agents du Parc naturel marin d'Iroise effectuant un suivi sur les champs d'algues à Molène dans le cadre du programme "Ecokelp"

Yves Gladu

Programme Ecokelp (2007-2009)

Les travaux réalisés par la Station biologique de Roscoff ont permis de mieux comprendre la croissance et les peuplements de Laminaria Digitata. Grace à la génétique, on sait à présent que les champs d’algues insulaires ne sont pas connectés à ceux du continent.

 

Hyperimp (2011-2013)

Objectif : étudier l’impact du peigne norvégien à L. hyperborea.

Ces travaux ont comparé, en plongée, les ceintures de L. hyperborea avant et après leur exploitation au peigne, puis leurs reconstitutions d’une année sur l’autre.

Trois variables ont été étudiées : la biomasse, la biodiversité associée et les réseaux trophiques. Ces études ont été menées respectivement par l’Ifremer, le Muséum d’histoire naturelle de Concarneau et la Station biologique de Roscoff avec l’appui des moyens nautiques et des plongeurs du Parc.

Conclusion : le peigne est un engin plutôt sélectif. Une très faible proportion de jeunes plants (inferieurs à 50 cm de longueur de stipe) a été observée dans les récoltes. L’engin laisse donc sur le fond des individus aptes à recoloniser le site. Des individus blessés ou perdus sont observés, mais le nombre est difficile à estimer.
Cette exploitation génère toutefois le déplacement ou le retournement de blocs rocheux qui sont des habitats complexes, importants pour de nombreux animaux.
Ces retournements de blocs sont problématiques.

A l’issue de cette étude, le conseil de gestion a proposé et obtenu l’exclusion des goémoniers à L. hypoerborea des zones de blocs.

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Système de gestion de L. hyperborea (2015)

Objectif : maintenir une activité durable.

L’ensemble des études a permis d’élaborer un nouveau système de gestion de L. hyperborea qui garantit une exploitation durable des laminaires et le maintien de l’état de conservation des écosystèmes.

En 2015, suite aux propositions du conseil de gestion du Parc, le Comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de Bretagne a pris une délibération reprenant les propositions du conseil de gestion afin de mieux gérer cette pêcherie. Cette délibération a été entérinée par un arrêté du préfet de Région (arrêté préfectoral n° 2015-11189).

Cette gestion se distingue par la mise en place de jachères triennales et des zones fermées pour raisons environnementales dans l’archipel de Molène.

Goémoniers dans l'archipel de Molène
Goémoniers dans l'archipel de Molène

Fabien Boileau / Office français de la biodiversité

Valmer (2016)

Objectif : évaluer les services écosystémiques des champs d’algues sur plusieurs sites.

En Iroise, l’étude a porté sur les champs de laminaires de l’archipel de Molène (L. digitata et L. hyperborea).

En collaboration avec l’Ifremer, un modèle numérique de la dynamique du socio-écosystème « laminaires » a été développé. Il permet de simuler des scénarios portant sur les aléas météorologiques, l’intensification de l’exploitation et les règles de gestion.

Les services écosystémiques évalués sont de différents types : support et régulation du vivant, approvisionnement, culturel.

Le modèle peut prédire la dynamique du champ de laminaires en réponse à certains scénarios et calculer les indicateurs de fonctions écologiques pour plusieurs espèces.

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SLAMIR (2018-2022)

Objectif : évaluer le système de gestion du champ d’algues mis en place en 2015 afin de déterminer s’il remplit ses objectifs.

Les membres du Conseil de gestion du Parc souhaitaient mesurer l’état de l’environnement et de la ressource après plusieurs années d’exploitation, de mise en jachère ou d’interdiction de certains secteurs.

Le programme SLAMIR (Suivi des LAMinaires en IRoise) permet de comparer des stations exploitées et des stations non exploitées.

Cette fois, quatre paramètres sont suivis : biomasse, biodiversité associée, réseaux trophiques et peuplements de poissons.

Le suivi est réalisé respectivement par l’Ifremer, le Muséum d’histoire Naturelle de Concarneau, la Station biologique de Roscoff et l’UMS Patrinat. Tous les relevés se font en plongée sous-marine. Les moyens nautiques et les plongeurs du Parc sont très impliqués dans ce projet.

Un rapport synthétique ainsi que quatre rapports scientifiques ont été publiés.

Agents du Parc en plongée
Agents du Parc en plongée

Livier Schweyer / Office français de la biodiversité